Retarder l'entrée en institution : Pouvoir décider, mais sous conditions…

Pouvoir décider, mais sous conditions…

Retarder l’institutionnalisation : bonne ou mauvaise stratégie ? Cela dépend pour qui. Les chiffres et les constats concernant la santé des proches aidants (manque de temps, fatigue physique, charge mentale sanitaire, risque de décès…) répondent en partie à la question.

« DITES-MOI AVEC QUI VOUS VIVEZ, JE VOUS DIRAI OÙ VOUS VIEILLIREZ »

Les scandales récents autour des Ehpad ont encore sali un système d’accompagnement depuis longtemps défaillant. Pour éviter la case « établissements », encore faut-il que les services ambulatoires et du domicile fonctionnent normalement… Sauf que l’hôpital et le domicile ne sont pas épargnés non plus. Le mode « dégradé » s’applique à tous les secteurs de la santé, quel que soit l’âge. Si, à cela, vous ajoutez le manque d’attractivité

des métiers du grand âge, il va falloir être fin stratège pour bien vieillir tout court.

Au regard de la situation actuelle des institutions, la question n’est plus tant celle du « où » mais celle du « qui » ? Avec qui allez-vous vieillir ? 

Eh oui, pour retarder l’échéance, il va falloir savoir s’entourer !

Si vous vivez seul, et que vous développez une maladie neuro-évolutive : un nouveau cas en France toutes les deux minutes trente (1), il y a de fortes chances que vous passiez par la case Ehpad, à condition que vous ne soyez pas trop « perturbateur », sinon il faudra attendre une place en unité d’hébergement renforcé, encore plus chère et avec une liste d'attente longue comme le bras…


ÊTRE ENTOURÉ D’AIDANTS FAMILIAUX ET PROFESSIONNELS. 

Imaginons maintenant que vous ayez la chance de vivre avec ou près d’un ou de proches aidants disponibles et en bonne santé, de services d’accompagnements variés comme les services d’accompagnement à domicile, les services de soins infirmiers à domicile, les équipes spécialisées Alzheimer, les Ehpad hors les murs ou encore le baluchonnage… Près de chez vous, et ce, évidemment aussi bien en milieu urbain que rural… Que vous soyez la personne accompagnée ou le proche aidant, vous pourriez, en théorie, solliciter du tiers « au bon ou à un moment... » pour prévenir les situations inconfortables : douleurs, risque d’épuisement… Alors, peut-être pourriez-vous retarder l’entrée en structure, à condition de décider de rester acteur de votre vieillissement (pratiquer une activité physique adaptée, bien manger, rester connecté…).

Retarder l’institutionnalisation, c’est transférer des compétences humaines et techniques « chez soi », c’est accepter le risque d’institutionnaliser et de transformer son domicile en hôpital ou en Ehpad de campagne. Une des motivations premières étant le respect du rythme, des habitudes et de la possibilité de choix : des intervenants, des horaires… 

Si en structure, ils sont plus ou moins imposés, la réalité est qu’à domicile, ils sont souvent aléatoires du fait de changements de planning fréquents, d’annulations… entraînant des situations à « très fort risque de drame ! » (2). 

Il vous faudra faire avec des plages horaires à la « Colissimo ». Sans la garantie d’une coopération et d’une synchronisation de l’ensemble des acteurs de santé, retarder l’institutionnalisation peut s’avérer être une mauvaise stratégie. Même si la volonté d’accompagner le virage domiciliaire est là, notamment au travers des projets d’Ehpad ressources et hors les murs, d’expérimentation autour du relayage/ baluchonnage, elle ne suffira pas !

En effet, les conditions humaines, matérielles et financières ne sont pas réunies pour garantir un accompagnement à la hauteur des enjeux du vieillissement et des aspirations de chacun.

Retarder l’institutionnalisation pour certaines pathologies non stabilisées comme en cas de démences dans le contexte médico-social que nous connaissons actuellement, c’est comme traverser un désert avec une gourde : vous trouverez quelques oasis et beaucoup de mirages.


(1) https://www.fondation-mederic-alzheimer.org/les-chiffrescles (source : INSERM 2007). 

(2) UNA Communiqué de presse lundi 18 juillet 2022 https://bit.ly/3b0vVyW.


Quelles pistes ?

Repenser l’institution non pas comme le point d’entrée (lorsque l’on est arrivé au bout du bout), mais comme un point d’étape pour gérer l’urgence ou les crises. Il faudrait, plus encore, envisager ces structures avec des modalités d’accueil souples pour prévenir les situations de crises ou d’épuisement. Faire de ces espaces des lieux de passage pour

permettre aux personnes de mieux se préparer aux évolutions et autres changements des stades de la maladie. En somme, il faudrait en faire un lieu tiers de santé, ouvert sur les nouvelles formes de solidarité et les nouvelles pratiques entre professionnels et patients experts, un lieu ressource pour des échanges de pratiques, des formations et des mises en situation pour les proches aidants.

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